La pièce s’assombrit. Il doit être tard déjà. Allumer la lampe… j’ai froid aux pieds. Et rentrer me pelotonner au fond du lit, frotter mes pieds l’un contre l’autre… Bon j’arrête à la fin de la page… j’arrête et je rentre dans le lit. Papa n’est toujours pas rentré.
Dans cette histoire la petite fille est jolie. Je la touche du doigt. Elle est radieuse dans sa petite robe. Elle vit dans une très grande maison, avec plein de fenêtres à petits carreaux. La lumière entre partout. Et il y a beaucoup de personnes autour d’elle. Sa famille, ses amis. Ils jouent tous ensemble, ils courent dans un grand jardin avec une pelouse verte et des primevères. Les grands regardent avec amour les enfants, ils leur parlent toujours gentiment.
La chaise est vide à côté de moi. Papa n’est pas là. Il m’avait promis de lire l’histoire. J’aime bien quand c’est lui qui lit l’histoire. J’entends sa grosse voix douce qui s’accorde aux jolies images. Et je place ma tête dans le creux de son épaule…
Je vais allumer la lampe. On ne voit plus rien ici. Et il fait vraiment froid. La petite fille rit sur l’image de mon livre. Elle joue avec son chien ; on dirait le printemps chez elle. Et je vois les murs chez moi, si tristes. Mais c’est parce que papa n’est pas là. Quand il va rentrer, il mettra la bouilloire sur le feu et nous chanterons…
La petite fille du livre pleure maintenant. Elle est triste. Son chien s’est enfui et s’est fait écraser. Son chien est mort. Et je pleure aussi… j’aimerais bien avoir un chien. Comme ça je jouerais avec lui en attendant Papa. Je serais avec lui, je ne serais plus seul. Je comprends la tristesse de la petite fille. Et elle est toujours aussi jolie, malgré ses larmes. Il y a toujours autant de personnes autour de la petite fille mais elle paraît toute seule…Ce n’est plus le printemps chez elle, des nuages apparaissent au fond.
Ici ? seule la chaise de Papa est éclairée. Pourtant j’ai allumé la lampe. Je distingue de plus en plus mal les images du livre. La chaise est vide ; j’attends Papa et je pleure comme la petite fille du livre. Pourtant je n’ai pas de chien et il n’est pas mort. C’est peut-être pour cela que je pleure, parce que je n’ai pas de chien. Je pense à Papa. Il me dirait que je suis un grand maintenant, que j’ai allumé la lampe et que j’ai su m’occuper de la maison tout seul. Papa ne crie presque jamais et j’aime quand il me serre fort contre lui. Quand il fait ça, toute la tristesse disparaît.
J’entends ses pas devant l’entrée. Il s’essuie les pieds. Dans quelques instants ce sera aussi le printemps chez moi, comme chez la petite fille du livre.
BBLR