La dédicace est déjà un monument « Aux morts, pour qu’ils vivent ! Aux vivants, pour qu’ils aiment ! »
Et lorsque je tourne la page, la préface m’enchaîne tout autant à poursuivre la lecture, à tourner une autre page… « J’ai une tête épique (…) Aussi longtemps qu’il y aura des battements de cœur dans ma poitrine, aussi longtemps qu’il y aura un peu de bleu au zénith, aussi longtemps qu’il y aura des printemps sous le ciel et qu’il y aura des femmes au monde, je crierai : A bas la guerre ! »… Mais cette tête épique écrit pourtant bien un roman épique sur les poilus écrit huit ans après la Grande Guerre que Delteil a fait, dans un régiment de tirailleurs sénégalais. Roman sur la geste des Poilus anonymes tout autant que sur l’arrière incarnée dans la femme, la « Poilue », cet ouvrage n’est ni un témoignage, ni un roman historique. Etonnant, l’ouvrage de Delteil est chargé d’émotion pour ces soldats tout autant que d’humour. Parce que si Delteil est opposé à la Guerre et soutient le pacifisme du président Wilson, « il y a quelqu’un qui est en dehors et au-dessus de la guerre : c’est le Poilu ». Delteil « chante le Poilu », il « chante l’homme ».
La langue de Joseph Delteil chante et ses mots vibrent. Ils savent trouver l’espace juste dans les paysages de Narbonne à Limoux écrasés par la chaleur du mois de juillet 1914 ; ils savent renvoyer l’écho de l’avenir des hommes de ce pays. A cet instant de la mobilisation « le département de l’Aude sue »… « Tout a un air étroit et ardent, un air de piques. Chaque plante est une baïonnette ».
Un roman étonnant, détonnant dans les tonnerres de la guerre et des poilus. Une langue d’un passé, à redécouvrir.
BBLR