Débride tes brides imaginaires de l’écriture…Il faut ouvrir cet énorme grimoire pour inventer ses recettes de poésie et de prose. Tout comme dans un cabinet des curiosités, Hubert Haddad expose dans « Le nouveau magasin d’écriture » une multitude d’objets littéraires non identifiés qui ont permis au cours du temps à de multiples écrivains de plonger dans les mots de leur vie. En effet, « l’art d’écrire ne s’enseigne guère (…). Mais le goût d’écrire, lui, se conforte et se déploie dans le travail ; et ce dernier, libéré des censures et autres blocages liminaires, ne manque pas de s’affiner par maints retours sur soi… ». Entre photos, montages de mots, peintures, poèmes et autres textes, l’auteur, écrivain, historien d’art et promoteur des ateliers d’écriture, démonte ainsi les ressorts de la création littéraire et invite à expérimenter la plume.
Mmhh ! Un régal de sorcellerie pour des envoûtements poétiques, des retours de nouvelles… et une romance ou un « roman se » prépare. Un véritable appel à l’inspiration pour laisser respirer son imaginaire. Même la « peau lisse » d’écriture de cet imposant ouvrage semble directement issue d’un conte de fées ou d’un rêve… Hubert Haddad invite à aller fouiner du côté de l’inconscient, à se défaire de sa peau d’âne dans l’écriture. Il part de l’état d’esprit de l’écriture. Ce gros grimoire s’ouvre sur la sonate des « six principes majeurs en prélude ». A partir de l’oubli du sens, de la direction, il s’agit de se perdre dans le labyrinthe des mots. Et surtout de se laisser surprendre par sa créativité oubliée, cadenassée. Lâcher prise avec ses incertitudes, ses incapacités et son pseudo-savoir pour « laisser venir dans le désordre, sans retenue ni sélection, les souvenirs, les associations mentales, les analogies ». Parce qu’« aucune création ne naît du vide mais d’un chaos préalable ». Hubert Haddad rappelle aussi qu’écrire c’est abandonner ses conventions, oublier les injonctions « ça ne se fait pas, ça ne se dit pas » parce qu’« on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments ». Parce qu’« écrire, c’est d’abord travailler avec et sur la sensibilité ».
Cette incitation à quitter ses oripeaux s’accompagne dans ce très bel ouvrage publié aux éditions Zulma d’une illustration, celle d’un plongeur. Et ce plongeur en écriture profonde nous demande de nous moquer de notre ordre moral intérieur ou public, de le contourner. Parce que « l’humour est un bain de jouvence où la plume doit se noyer à demi en permanence ». Depuis l’écriture automatique au « dialogue onirique entre deux interlocuteurs décalés », depuis le pourquoi de la poésie jusqu’à l’haïku nid de cous coupés, en passant par l’autobiographie ou la chasse aux sujets, les multiples entrées de cet immense magasin sont autant d’invitations à la création, d’appels à s’amuser dans la cour de la récréation, parce que « le langage s’apprend d’abord en jouant (en se jouant) ». Et Hubert Haddad d’ajouter : « Les enfants comprennent très vite la consigne et avec une réelle jubilation : on leur demande simplement de recouvrer la liberté, de ne pas se manifester dans la norme. Quant aux adultes, il faudra bien qu’ils retrouvent leur esprit d’enfance ».
Enthousiasme d’ouvrir la cage. J’ai vraiment jubilé à picorer à droite et à gauche sur les rayonnages du magasin, avant de me laisser emporter dans les ruisseaux ou les cours infinis de recréation. Vas-y, va voir un peu, flâne donc dans les allées et puis…
BBLR