« Écrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite ». Telle est la consigne demandée aux auteurs de la petite collection « Les Affranchis ».
« L’autre fille » est la lettre qu’Annie Ernaux n’aurait jamais pu écrire et envoyer. Elle l’adresse à l’« Autre », à celle qui est morte afin qu’elle-même puisse venir au monde et vivre. Annie Ernaux s’adresse avec puissance à sa sœur décédée deux ans avant sa naissance. Elle ne la connaît pas, elle n’a jamais parlé ni joué avec elle.
Mais cette sœur dont ses parents ne parlent pas, ce « secret » est bien là, vivant au sein de la famille. Ses parents étaient jeunes et souriants sur les photos avec « l’autre fille ». Lorsque débutent les souvenirs d’enfance d’Annie Ernaux, ce ne sont plus les mêmes. « Il n’y a plus rien de juvénile ni d’insouciant en eux, mais quelque chose d’amorti » (…). ». Elle est là « entre eux, invisible. Leur douleur ».
Annie Ernaux saisit les instants de la petite fille unique qu’elle a été, les mots lancés par sa mère à une jeune femme « elle était plus gentille que celle-là », pour y ajouter ses propres commentaires, pour y donner du sens. Une très belle lettre, sensible.
BBLR