Quand j’étais enfant, je rêvais de vivre dans une cabane en bois perchée dans un arbre. Nous l’aurions construite avec ma sœur autour d’un immense pin. Elle serait grande, avec une terrasse et une belle rambarde pour nous appuyer en regardant au loin. Toutes deux nous grimperions par un grand escalier et vivrions là-haut, loin de tout. Ma sœur jouerait de la guitare et je chanterais. Nous vivrions de jeux et de dessins.
Et lorsque nous serions fatiguées de jouer, nous irions toutes deux préparer des crêpes. Et nous ririons en les faisant sauter. Nous ririons à nous en donner mal au ventre parce que ma sœur fait des grimaces trop rigolotes. Et pendant ce temps-là je mimerais Madame et Monsieur Desglanos, les épiciers du fond de l’allée des cabanes. L’odeur des crêpes, de la fleur d’oranger que j’aurais un peu trop généreusement versé viendrait titiller nos narines. Nous retrousserions le nez. Notre gourmandise en éveil en ouvrant la confiture de mûres… Nous emmènerions alors l’assiette chaude avec son monticule de disques chauds pour aller les goûter face à la mer. Un bateau passerait, nous entendrions son bruit et nous imaginerions la terre qu’il toucherait au matin.
Dans la cabane dans l’arbre il y aurait tout ce qu’il faut pour vivre toutes les deux : un grand tapis qu’on dirait persan, deux petits lits douillets avec de grandes couettes colorées, un poêle à bois et un grand coffre. Ce coffre ancien serait rempli de livres. Des livres de toutes les tailles, avec ou sans images, avec des pages douces à toucher pour nous permettre de nous évader dans l’imaginaire… Et on imaginerait l’air avec ma sœur, un air entièrement pur où nous pourrions nous envoler bien au-dessus de l’arbre de la cabane. Quand nous nous lancerions en l’air sur la balançoire accrochée à la troisième branche du bas de l’arbre, nous nous lancerions aussi dans cet imagine l’air (que tu as là-haut) : « Imagine l’air, dirait ma sœur…Tu le vois, tu le sens t’aspirer goulument quand tu montes vers le ciel ? »
Et après avoir imaginé nous lirions pour apprendre le monde, le soir au clair de lune… Et nous partirions un jour toutes les deux sur les traces de cet apprenti plus ou moins sage, dans la vie en bas de notre arbre.
BBLR