La référence à 1984 de George Orwell est évidente pour expliquer le titre de ce roman. En 3 tomes d’un peu plus de 500 pages chacun, Murakami nous campe une histoire d’amour (impossible ?) entre les deux protagonistes. Tous deux ont 30 ans en cette année 1984 et vivent à Tokyo. Elle, Aomamé, est une belle jeune femme professeur de gymnastique dans un club de sport plutôt select. Lui, Tengo, est professeur de math et romancier à ses heures.
Ils ne se connaissent pas… ou plutôt si, ils se sont croisés à l’âge de 10 ans sur les bancs de l’école. Elle suivait alors souvent sa mère, fervente adepte d’une secte, les Précurseurs, lors de ses portes-à-portes consacrés au prosélytisme. Lui suivait alors souvent son père, collecteur de redevance de la NHK (qui gère les radios et télévisions publiques japonaises) lors de ses portes-à-portes impitoyables pour débusquer les contrevenants.
Aomamé pénètre par hasard (peut-être pas ?) dans un monde parallèle qui se déroule pendant l’année 1Q84 (Q et 9 se prononcent de la même façon en japonais). Il y brille deux lunes. Une mission lui est allouée : éliminer le gourou de la secte des Précurseurs. Sa mission accomplie, Aomamé devra se terrer dans un appartement en lisant Proust.
Tengo se voit confier la mission de réécrire le livre de la très jeune Ériko Fukaéri, La chrysalide le l’air, qui décrit un monde où il est question de « Little people », de DAUGHTER/MOTHER, de PERCEIVER/RECEIVER. Ce livre écrit par une ancienne adepte de la secte devient un best-seller. Sa mission accomplie, Tengo devra essayer de renouer des liens avec son père dans la Ville des Chats.
Entre ces deux protagonistes, un troisième personnage, le disgracieux mais ingénieux Ushigawa, tente de retrouver l’un en suivant l’autre. Aomamé et Tengo mènent leurs histoires en parallèle. Et pourtant leur seul désir profond n’est-il pas de se trouver ? Ce pourrait être la seule possibilité de se retrouver dans le monde réel. « Chacun de nous a nommé ce monde avec des mots différents. Moi, je l’ai appelé “l’année 1Q84”, et Tengo “La Ville des Chats”. Ces termes désignent cependant une même réalité. »
L’écriture de Murakami est fluide, souvent charnelle, toujours imagée, et les comparaisons et les métaphores sont omniprésentes, souvent inattendues voire insolites (« Autour d’eux, la ville nocturne s’écoulait comme un courant marin coloré par des protozoaires luminescents »). Un problème de taille sur ce triptyque : pourquoi 3 tomes là où un seul aurait été suffisant, en évitant parfois la dilution ? Et un bémol sur le fond : je suis moins transporté par ce livre que par le parcours initiatique décrit dans une œuvre puissante comme Kafka sur le rivage.
GLR