• Q comme Que faites-vous ? - avril 2012

    Mais que fait-elle ?... Depuis que ce serveur peu aimable m’a emmenée avec le café fumant devant sa petite table en fer forgé, sous la tonnelle, elle n’a pas bougé.

    Elle, c’est la fille qui viendra déposer ses lèvres sur le bord de mon corps de faïence. Elle prendra délicatement ma hanche entre son pouce et son index pour me promener jusqu’à ses narines, pour humer mon parfum torréfié. Elle, elle aura le petit doigt en l’air, qui me met élégamment en valeur au bout de sa main. Elle aura touillé dans mon noir breuvage avant de déposer la cuillère humectée à côté de moi. Et elle me prendra auprès d’elle et dansera avec moi, comme avec ses bracelets qui tintent le long de son bras.

    Mais pour l’instant, la fille aux cheveux noirs n’a pas bougé. Ses yeux n’ont pas cillé, elle semble statufiée, accaparée par une pensée. Elle paraît ne voir personne, n’attendre rien…

    Tiens, une fille s’installe à côté de ma brune et moi. Une jolie fille, enfin je la trouve jolie avec sa peau fraîche et éclatante comme un sou neuf. Elle s’est mise près de l’entrée, signe qui ne trompe pas une petite tasse du café de la Rotonde. Elle attend quelqu’un. Elle triture son collier de perles, nerveuse.

    Ma brune à moi s’est décidée du coup à me prendre, un peu brutalement d’ailleurs. Enfin je ne m’y attendais plus, tant elle semblait perdue ailleurs, dans ses rêves… Elle a collé son autre main contre moi, pour aspirer ma chaleur dans sa peau. Elle me plaît ma brune, elle prend soin de moi contre elle. Elle me boit et son attention est tendue vers la jolie fille qui vient d’entrer. La fait-elle parler ? La fait-elle penser dans sa tête ?

    Je ne sais pas, mais elle vient de me reposer sur la table de fer forgé. Je crois qu’elle est en train de m’abandonner. Ses mouvements se précipitent. Elle prend son grand sac de toile, fouille à l’intérieur. J’entends le bruissement des papiers, le cliquètement des clés, des objets se cognent, des stylos, un téléphone peut-être, un agenda… Un petit carnet noir et or sort de cette caverne. Elle l’ouvre… Et vite, vite, elle se met à écrire, écrire… Les épaules voutées, enfoncées, les bras écartés pour bien étaler le papier… Eh ! Oh, mais elle va m’oublier !!!...

    Non, sa tête vient de se redresser. Elle regarde encore la jolie fille qui attend, qui ne cesse de tourner sa tête de droite, de gauche. Ma brune en profite pour m’aspirer goulûment. Mais elle n’est plus vraiment là, avec moi.

    Ma brune écrit, écrit. Elle ne se rend plus compte des minutes. Je crois qu’elle veut garder la mémoire de la jeune fille vivante sur son cahier. Elle se dit que cette beauté d’un instant lui appartient pour longtemps. Elle l’a incarnée sur cette feuille vierge. Ma brune a dessiné une autre vie à la jeune fille au collier de perles. Elle l’a saisie, esquissée. Ma brune paraît exténuée par son effort. Son crayon tombe de sa main. Elle relève la tête. La jolie fille a disparu, elle s’est envolée. Peut-être son ami est-il venu ou peut-être pas ? Peu importe. L’instant de la jeune fille au collier de perles lui appartient désormais. Son regard part au loin, elle s’est une fois encore évaporée.

    Ma brune appartient à son cahier. Elle m’a oubliée, moi la petite tasse de café, le goût de son instant, l’instant de sa jeune fille au collier de perles.

    BBLR


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